Blu Jazz BJ024CD (1992).
Baby Dodds Trio
Albert Nicholas (clarinette), Don Ewell (piano), Warren "Baby" Dodds (batterie). New Orleans, 6 janvier 1946.
1. Wolverine Blues (Jelly Roll Morton, Reb et John Spikes) 2:55
2. Buddy Bolden's Blues (Jelly Roll Morton) 3:06
3. Albert's Blues (Albert Nicholas) 3:02
Baby Dodds (batterie solo). Même session.
4. Drums Improvisation n˚ 1 (Warren Dodds) 2:31
5. Drums Improvisation n˚ 2 (Warren Dodds) 2:31
New York City, 10 janvier 1946.
6. Drums in the Twenties talkin' by Baby Dodds (illustrations: Jazzin' Babies Blues (Oliver's Creole Jazz Band), Wild Man Blues (Louis Armstrong's Hot Seven)) 2:18
7. Spooky Drums n˚ 1 (Warren Dodds) 2:17
8. Shimmy Beat & Press Roll Demonstration (Warren Dodds) 2:10
9. Careless Love Blues (Traditionnel, arrangé par Warren Dodds) 2:00
10. Rudiments (with Drumstick Neverbeats) (Warren Dodds) 2:00
11. Maryland My Maryland (Traditionnel, arrangé par Warren Dodds) 2:25
12. Spooky Drums n˚ 2 (Warren Dodds) 2:11
13. Tom Tom Workout (Warren Dodds) 1:47
Jazz at Town Hall
Sidney Bechet (saxophone soprano), James P. Johnson (piano), George "Pops" Foster (contrebasse), Baby Dodds (batterie). New York City, samedi le 21 septembre 1946.
14. China Boy (Dick Winfree, Paul Boutelje) 3:22
Johnny Windhurst (trompette), Milton "Mezz" Mezzrow (clarinette), Miff Mole (trombone), James P. Johnson (piano), Pops Foster (contrebasse), Baby Dodds (batterie). Même session.
15. I Wish I Could Shimmy Like My Sister Kate (Armand Piron) 3:55
16. I've Found a New Baby (Jack Palmer, Spencer Williams) 3:51
James P. Johnson (piano), Baby Dodds (batterie). Même session.
17. Snowy Morning Blues (James P. Johnson) 1:04
Sidney Bechet (saxophone soprano), James P. Johnson (piano), Pops Foster (contrebasse), Baby Dodds (batterie). Même session.
18. Dear Old Southland (Turner Layton, Henry Creamer) 2:49
Johnny Windhurst (trompette), Mezz Mezzrow (clarinette), James P. Johnson (piano), Pops Foster (contrebasse), Baby Dodds (batterie). Même session.
19. She's Funny That Way (Richard Whiting, Neil Moret) 1:34
James P. Johnson (piano), Pops Foster (contrebasse), Baby Dodds (batterie). Même session.
20. Maple Leaf Rag (Scott Joplin) 2:21
Francis "Muggsy" Spanier (cornet), Vernon Brown (trombone), Mezz Mezzrow, Pee Wee Russell (clarinette), Art Hodes (piano), Pops Foster (contrebasse), Baby Dodds (batterie). Même session.
21. The Blues (traditionnel) 5:16
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Si on ne peut pas considérer Baby Dodds comme le premier batteur de jazz (il faudrait remonter aux pionniers, de la Nouvelle-Orléans, dont Walter Brundy et Henry Zeno qui l'influencèrent directement), il représente certainement sur disque le style «primitif» de batterie New Orleans dans son expression la plus complète. Frère cadet (comme l'indique son surnom) du grand clarinettiste Johnny Dodds, Warren "Baby" Dodds fit son apprentissage dans les fanfares et orchestres de danse de la ville, puis rejoignit en 1918 l'orchestre de Fate Marable sur les bateaux remontant le Mississippi, où il fit la connaissance d'un jeune trompettiste nommé... Louis Armstrong! Avec son frère, il fait ensuite partie du Creole Jazz Band de King Oliver (à partir de 1921), se rendant avec celui-ci en Californie, puis à Chicago, où ils seront bientôt rejoints par Armstrong. Sa présence dans la Cité des Vents dans les années 1920 lui assure une présence appréciable sur disque, avec Oliver, puis avec Jelly Roll Morton, au sein des groupes de son frère et dans les fameux Hot Seven et Hot Five de Armstrong en 1927; malheureusement, à cause des limites de l'enregistrement acoustique, son jeu n'est rendu que de façon très approximative sur les disques de l'époque. Après le départ de Oliver et Armstrong pour New York, les frères Dodds continuèrent de se produire à Chicago durant les années 1930 mais, la Dépression se faisant sentir, Baby s'occupera pendant un temps d'une flotte de taxis avec son autre frère, Bill. Après la mort de Johnny en 1940, Baby deviendra l'une des figures importantes du New Orleans Revival, jouant avec Sidney Bechet, Bunk Johnson, Art Hodes et Papa Mutt Carey, entre autres.
Il n'est pas dans mon habitude de recommander un CD promotionnel mais, bizarrement, la seule compilation qui regroupe la plupart des faces importantes gravées par Dodds en 1946 ne fut disponible qu'en bonus d'un numéro du magazine italien Blu Jazz - on peut par ailleurs retrouver ces pièces sur les compilations Jazz à la Creole (qui inclut également de délectables chansons créoles) et Talking and Drum Solos. (Pour une raison que je m'explique mal, les quatre titres gravés par son Jazz Four en 1945 pour Blue Note ne semblent disponibles que dans un coffret Mosaic des sessions de Art Hodes). Inaugurant l'étiquette Circle dirigée par l'infatigable défenseur du jazz traditionnel, Rudi Blesh, Dodds recrée en trio le Wolverine Blues de Jelly Roll Morton, presque 20 ans après l'avoir enregistré avec le compositeur au piano et son frère Johnny à la clarinette... Cette nouvelle version n'est en rien inférieure à celle de 1927: Don Ewell s'acquitte à merveille de son rôle de pianiste et le merveilleux Albert Nicholas est à son meilleur à la clarinette, ici comme dans les deux autres pièces de ce trio, Buddy Bolden's Blues (une autre composition de Morton) et Albert's Blues. Mais ce qui rend ces enregistrements particulièrement précieux, ce sont les nombreux solos de Dodds (deux pour Circle et sept parus originalement sur un 25 cm Folkways, enregistrés quelques jours plus tard). Blesh raconte comment Dodds avait l'habitude de prendre un solo lorsqu'il jouait avec Bunk Johnson, pour qui cette pratique semblait totalement inutile («le batteur tient le rythme, et c'est tout!», aurait déclaré ce dernier...). Pourtant, les deux Drum Improvisations sont de parfaits exemples de la grande sensibilité musicale de Dodds, qui démontre sa technique sans aucune trace de cet exhibitionnisme qui gâche souvent les solos de batterie de style Dixieland... Ces deux pièces sont d'autant plus remarquables que Dodds joue sur une batterie qu'on pourrait qualifier d'archaïque: il n'utilise pas de cymbale hi-hat (charleston), pas de pieds de cymbales (ses cymbales étant perpendiculaires au sol et déposées directement sur des embouts posés sur une énorme grosse caisse), et favorise la cloche et les blocs (on peut voir à quoi ressemblait la batterie de Dodds sur la photo ci-dessous).
Il tire cependant le meilleur de cette combinaison d'éléments que nombre de batteurs modernes trouveraient peu prometteuse; il est fascinant d'entendre enfin en détail et de façon très inventive tous les éléments typiques du drumming néo-orléanais... Pour la session Folkways, Dodds fut également interviewé et la prise baptisée Drums in the Twenties laisse place à sa parole, lui permettant d'expliquer les différents types d'engagements qu'un batteur de sa génération pouvait avoir («from street drums to orchestra work, from orchestra work to pit work, from pit work to concert work, from concert work to show work»), l'évolution du jeu de Bunk Johnson («Bunk used to play a blues style, everything he played was bluish») et la différence entre son jeu pour King Oliver et Louis Armstrong (illustrés par des exemples sur disque). Les deux Spooky Drums sont semblables aux Drum Improvisations (le no. 2 est quand même assez étourdissant!), alors que d'autres prises lui permettent de démontrer des éléments précis, comme le shimmy beat, la façon correcte de jouer les press rolls, quelques rudiments, un exercice de tom toms et deux pièces du répertoire jouées du seul point de vue du batteur (Careless Love Blues et Maryland My Maryland).
Pour compléter cette compilation, on trouve 8 pièces tirées d'un concert du 21 septembre au Town Hall à New York, permettant d'entendre Dodds avec certaines des figures majeures du jazz traditionnel et classique, dont Sidney Bechet (qui mange une version de China Boy tout rond), James P. Johnson (une minute de son Snowy Morning Blues et le fameux Maple Leaf Rag de Scott Joplin, les deux jouées sur des tempi malheureusement trop rapides), l'excellent mais méconnu Johnny Windhurst (trompette), Mezz Mezzrow, Miff Mole, Muggsy Spanier, Pee Wee Russell (qui livre un de ses solos atypiques sur le Blues final), Art Hodes et Pops Foster.
Avec le regain d'intérêt pour le jazz traditionnel, Baby Dodds trouvera un public pour sa musique dans les dernières années 1940. Il devient l'un des habitués du Jimmy Ryan's à New York, et il tourne en France avec le groupe de Mezz Mezzrow en 1948, côtoyant lors du festival de Nice les formations de Rex Stewart et Louis Armstrong. Partageant son temps entre New York et Chicago, il fut victime d'une série d'AVCs entre 1949 et 1952 qui le laissèrent partiellement paralysé. Il continua malgré tout à jouer occasionnellement, et mourut en 1959.
Bien entendu, ce disque fascinera peut-être surtout les batteurs intéressés par l'origine de leur instrument, mais il est aussi un document précieux et permet d'aborder le jazz traditionnel d'un autre point de vue, mettant en lumière la grande capacité d'invention de celui qui fut l'un des pionniers de la batterie en jazz, ainsi que l'un des participants à quelques unes des séries d'enregistrements les plus importantes du jazz classique... Il faut donc apprécier la chance qu'il ait pu enregistrer de tels témoignages alors que son jeu était à sa pleine maturité, et se laisser un peu émerveiller par la capacité d'invention de ce grand pionnier de son instrument.
Dodds avait très peu enregistré sous son nom, mais en plus des deux compacts cités ci-dessus, on peut trouver chez American Music une anthologie où d'autres extraits d'entrevues avec le batteur côtoient des enregistrements avec les orchestres de Bunk Johnson et Wooden Joe Nicholas.
Ci-dessous, un rare extrait vidéo qui montre que Baby Dodds n'aurait rien eu à envier à Han Bennink...
Pour compléter cette compilation, on trouve 8 pièces tirées d'un concert du 21 septembre au Town Hall à New York, permettant d'entendre Dodds avec certaines des figures majeures du jazz traditionnel et classique, dont Sidney Bechet (qui mange une version de China Boy tout rond), James P. Johnson (une minute de son Snowy Morning Blues et le fameux Maple Leaf Rag de Scott Joplin, les deux jouées sur des tempi malheureusement trop rapides), l'excellent mais méconnu Johnny Windhurst (trompette), Mezz Mezzrow, Miff Mole, Muggsy Spanier, Pee Wee Russell (qui livre un de ses solos atypiques sur le Blues final), Art Hodes et Pops Foster.
Avec le regain d'intérêt pour le jazz traditionnel, Baby Dodds trouvera un public pour sa musique dans les dernières années 1940. Il devient l'un des habitués du Jimmy Ryan's à New York, et il tourne en France avec le groupe de Mezz Mezzrow en 1948, côtoyant lors du festival de Nice les formations de Rex Stewart et Louis Armstrong. Partageant son temps entre New York et Chicago, il fut victime d'une série d'AVCs entre 1949 et 1952 qui le laissèrent partiellement paralysé. Il continua malgré tout à jouer occasionnellement, et mourut en 1959.
Bien entendu, ce disque fascinera peut-être surtout les batteurs intéressés par l'origine de leur instrument, mais il est aussi un document précieux et permet d'aborder le jazz traditionnel d'un autre point de vue, mettant en lumière la grande capacité d'invention de celui qui fut l'un des pionniers de la batterie en jazz, ainsi que l'un des participants à quelques unes des séries d'enregistrements les plus importantes du jazz classique... Il faut donc apprécier la chance qu'il ait pu enregistrer de tels témoignages alors que son jeu était à sa pleine maturité, et se laisser un peu émerveiller par la capacité d'invention de ce grand pionnier de son instrument.
Dodds avait très peu enregistré sous son nom, mais en plus des deux compacts cités ci-dessus, on peut trouver chez American Music une anthologie où d'autres extraits d'entrevues avec le batteur côtoient des enregistrements avec les orchestres de Bunk Johnson et Wooden Joe Nicholas.
Ci-dessous, un rare extrait vidéo qui montre que Baby Dodds n'aurait rien eu à envier à Han Bennink...
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