dimanche 4 septembre 2016

The Original Dixieland Jazz Band: The First Jazz Recordings 1917-1921 (Timeless).


Timeless CBC 1-009 (1992 et 1998). 

Nick LaRocca (cornet), Eddie Edwards (trombone), Larry Shields (clarinette), Henry Ragas (piano), Tony Sbarbaro (batterie). 26 février 1917

1. Livery Stable Blues (Alcide Nunez, Ray Lopez, Marvin Lee) 3:07ç
2. Dixie Jass Band One-Step (Introducing: That Teasin' Rag) (Nick LaRocca, J. Russel Robinson, George Crandall, Joe Jordan) 2:36

Les mêmes. 18 mars 1917. 

3. At the Jazzband Ball (Nick LaRocca, Larry Shields, Johnny Mercer) 2:38
4. Ostrich Walk (Nick LaRocca, Larry Shields) 3:12

Les mêmes. 25 mars 1918. 

5. Skeleton Jangle (Nick LaRocca) 2:54
6. Tiger Rag (Nick LaRocca, Harry De Costa) 3:08

Les mêmes. 25 juin 1918. 

7. Bluin' the Blues (Henry Ragas) 3:20
8. Fidgety Feet (Nick LaRocca, Larry Shields) 2:43

Les mêmes. 5 juin 1918. 

9. Sensation Rag (Eddie Edwards) 2:57

Les mêmes. 17 juilllet 1918. 

10. Mournin' Blues (Tony Sbarbaro) 2:54
11. Clarinet Marmalade Blues (Larry Shields, Henry Ragas) 2:46
12. Lazy Daddy (Nick LaRocca, Larry Shields, Henry Ragas)

Benny Krueger (saxophone alto) en plus; J. Russel Robinson (piano) remplace Ragas. 1 décembre 1920. 

13. Margie (Introducing: Singin' the Blues) (Con Conrad, J. Russel Robinson, Benny Davis) 3:18

Les mêmes. 4 décembre 1920. 

14. Palesteena (J. Russel Robinson, Con Conrad) 2:47

Les mêmes. 30 décembre 1920. 

15. Broadway Rose (Introducing: Dolly, I Love You) (Martin Fried, Otis Spencer, Eugene West) 3:15
16. Sweet Mamma (Papa's Getting Mad) (Introducing: Strut, Miss Lizzie) (Fred Rose, George Little, Peter Frost) 3:21

Clifford Cairns, Eddie King et un membre de l'orchestre (vocal). 28 janvier 1921. 

17. Home Again Blues (Introducing: Lindy) (Harry Akst, Irving Berlin) 2:53
18. Crazy Blues (Introducing: It's Right Here For You, If You Don't Get It - 'Tain't No Fault of Mine) (Perry Bradford, Alex Belledna) 2:45

Frank Signorelli (piano) remplace Robinson. 3 mai 1921. 

19. Jazz Me Blues (Tom Delaney) 3:05

Al Bernard (vocal). 25 mai 1921. 

20. St. Louis Blues (W.C. Handy) 3:15
21. Royal Garden Blues (Clarence Williams, Spencer Williams) 3:03

Les mêmes. 7 juin 1921. 

22. Dangerous Blues (Billie Brown) 3:08

Les mêmes. 1 décembre 1921. 

23. Bow Wow Blues (My Mama Treats Me Like a Dog) (Cliff Friend, Nat Osborne) 3:17

Compilé par Chris Ellis. 
Restauration audio: John R.T. Davies. 
Matériel original: Brian Rust, John R.T. Davies et Chris Ellis. 
Notes de pochette: Brian Rust. 
Discographie: Wim van Eyle. 
Coordination de la production: Anne de Jong. 
Producteurs exécutifs: Chris Barber et Wim Wigt. 
Direction artistique/design: Dolphin Design. 
Illustration de la pochette: ULO. 
Remerciements à la Dutch National Jazz Archive. 

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La position de l'Original Dixieland Jazz Band dans l'histoire du jazz restera toujours unique et controversée. D'un côté, leur popularité immense dès la fin de la Première Guerre lança le premier engouement public (et mondial) pour le jazz. On ne saurait remettre en question leur talent certain et beaucoup de leurs enregistrements, aussi primitifs soient-ils, transmettent toujours, près d'un siècle plus tard, une vitalité et une énergie hors du commun; on peut comprendre sans peine la réaction sans précédent du public de 1917 (leur premier disque fut quand même le premier à vendre un million de copies). De plus, leur répertoire allait fournir la base de celui des orchestres de Dixieland pour le siècle à venir, avec des titres comme Tiger Rag, At the Jazz Band Ball, Fidgety Feet, Clarinet Marmalade et Margie. D'un autre côté, on peut critiquer leur côté vaudevillesque (un thème comme Palesteena appartient sans doute plus au music-hall qu'au jazz, et Woody Allen ne s'y trompa pas lui qui en fit la bande sonore d'un numéro d'illusionniste...), et les prétentions révisionnistes du leader et cornettiste Nick LaRocca dans les années 1950 (il se présentait comme le seul inventeur du jazz et dénigrait la contribution des musiciens Noirs) ne purent que mettre à mal la réputation du groupe.

Pourtant, LaRocca et ses compères ne pouvaient que bien connaître les origines de la musique qu'ils contribuèrent à populariser. Le cornettiste lui-même, fils d'immigrants siciliens, était né à la Nouvelle-Orléans, tout comme le clarinettiste Larry Shields (qui avait été voisin du légendaire Buddy Bolden), le batteur Tony Sbarbaro et le tromboniste Eddie Edwards. Les quatre avaient fait leurs armes dans le Reliance Brass Band de Papa Jack Laine, qui, malgré les lois ségrégationnistes en vigueur dans le Sud, engageait quand même des musiciens de toutes les origines, faisant occasionnellement passer des créoles comme Lorenzo Tio ou Alphonse Picou pour des musiciens cubains ou mexicains! Les origines de l'ODJB remontent à 1916, année où un promoteur de Chicago offrit au clarinettiste Alcide 'Yellow' Nunez et au batteur Johnny Stein de former un groupe de musiciens de la Nouvelle-Orléans pour concurrencer celui du tromboniste Tom Brown, qui avait à l'époque un assez bon succès dans la Cité des Vents. Nunez et Stein (qui fut le premier leader du groupe baptisé d'abord Stein's Dixie Jass Band) engagèrent Edwards et le pianiste Henry Ragas, ainsi que le cornettiste Frank Christian. Ce dernier ayant décidé de ne pas quitter la Nouvelle-Orléans, il fut remplacé par LaRocca. Stein fut rapidement écarté et, avec le batteur Tony Sbarbaro, le groupe prit le nom de Dixie Jass Band. LaRocca ne s'entendant pas bien avec Nunez, le clarinettiste décida de rejoindre le groupe de Tom Brown, le clarinettiste de celui-ci, Larry Shields, échangeant sa place avec Nunez pour intégrer l'ODJB. (Brown et Nunez allaient collaborer plus tard au sein du Happy Six, réalisant plusieurs enregistrements pour Columbia). Au début de 1917, le groupe est à New York, engagé au café Reisenweber. Après avoir réalisé une audition pour Columbia en janvier, le groupe est finalement enregistré par Victor le 26 février, gravant Dixie Jass Band One-Step et Livery Stable Blues. Ce disque, considéré par les historiens comme le premier disque de jazz, et fut vendu à plus d'un million d'exemplaires, fracassant les records des artistes les plus populaires des débuts de l'enregistrement sonore, Enrico Caruso et John Philip Sousa!

Débutant avec ces deux titres, le label britannique Timeless a réuni sur cette anthologie les 23 faces gravées par l'ODJB pour Victor entre 1917 et 1921. Force est de reconnaître, malgré les limites de l'enregistrement acoustique et les effets parfois vaudevillesques (Livery Stable Blues donne lieu, comme son nom l'indique, à toutes sortes de bruits de basse-cour...), que les tempos endiablés, le lead solide de LaRocca, les variations perçantes de Shields, le trombone agile de Edwards, les ponctuations intelligentes de Sbarbaro (évidemment surtout sur les woodblocks et cymbales, limites de l'enregistrement obligent...) ont gardé tout leur charme. Seul le piano (de Ragas puis, après sa disparition prématurée en 1919 lors de la grande épidémie de grippe espagnole, de J. Russel Robinson, compositeur de Margie et Singin' the Blues) est plutôt inaudible. LaRocca démontre une affinité pour le blues: ses attaques growl sont particulièrement efficaces dans Bluin' the Blues par exemple (le groupe reprend d'ailleurs le hit de Mamie Smith et Perry Bradford, Crazy Blues, dès janvier 1921) et les ensembles dégagent un certain swing, plutôt sautillant que détendu, mais toujours communicatif, ce qui tout de même remarquable pour des enregistrements bientôt centenaires!

Évidemment, la popularité de l'ODJB lui garantit nombre d'imitateurs quasi immédiats: d'anciens membres comme Alcide Nunez avec le Louisiana Five et Johnny Stein et Frank Christian avec l'Original New Orleans Jazz Band (dans lequel débuta Jimmy Durante) connurent un certain succès dans les années 1917-20 et enregistrèrent assez régulièrement. Les jazz bands (certains n'ayant qu'une relation ténue au jazz) qui pullulèrent dans les années de l'immédiate-après guerre sont un phénomène découlant directement du travail de l'ODJB. L'absence d'enregistrements antérieurs leur donne évidemment la préséance, mais nous devons également nous questionner sur la récupération d'une forme afro-américaine par des musiciens Blancs - d'ailleurs, la vogue du jazz ne donnera une voix aux musiciens Noirs que tardivement, les premiers enregistrements d'ensembles afro-américains ne datant que de 1922-23, bien après la vogue initiale de l'Original Dixieland Jazz Band. Nous savons aussi que la majorité des compositions de ces musiciens étaient en fait des emprunts au répertoire métissé de la Nouvelle-Orléans où ils firent leurs premières armes - la composition la plus célèbre de Nick LaRocca, Tiger Rag, proviendrait par exemple d'un vieux quadrille français et aurait déjà été connue sous les titres Jack CareyNumber Two ou Weary Weasel. Quoiqu'il en soit, il est indéniable que la position de l'Original Dixieland Jazz Band comme premier groupe ayant enregistré, comme premier phénomène populaire de l'histoire du jazz, lui donne une importance primordiale, et ce corpus d'enregistrements (auxquels on pourra éventuellement ajouter les faces gravées pour Columbia - voir Ragtime to Jazz 1, celles de leur séjour londonien et celles gravées pour Okeh - les deux dernières séries disponibles sur étiquette Retrieval: In London 1919-1920 Plus: The Okeh Sessions 1922-1923) doit faire partie de toute collection de jazz qui se respecte. 

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