mardi 28 juin 2016

Krzysztof Komeda: Crazy Girl (Power Bros, 1960-64).



Dans sa vie professionnelle, Krzysztof Trzcinski, né en Pologne entre les deux guerres, était otorhinolaryngologiste. Mais c'est surtout sous le nom de Komeda qu'on se souviendra de lui, beaucoup comme compositeur de musiques de films (pour Polanski: Le Couteau dans l'eau, Cul-de-sac, Le Bal des vampires, Rosemary's Baby, mais aussi pour Wajda, Skolimowski et Henning Carlsen), et aussi certainement comme l'un des musiciens de jazz les plus importants d'Europe de l'Est. Avec Andrzej Trzaskowski et Jan Ptaszyn Wroblewski, il est parmi les premiers à jouer du jazz moderne en Pologne, à une époque où c'est une musique encore considérée comme suspecte par les autorités. Il participe au festival de jazz de Sopot en 1956 et 1957, évènements majeurs pour l'émergence du nouveau jazz en Europe de l'Est, puis aux différentes éditions du Jazz Jamboree de Varsovie. Crazy Girl compile des enregistrements de ce dernier festival de 1960, 1961 et 1964. S'étant produit au Golden Circle de Stockholm au printemps 1960, Komeda avait tissé des liens avec certains musiciens scandinaves, dont le jeune saxophoniste Bernt Rosengren, qui commençait également à se faire un nom depuis sa participation au Jazz Club 57 et au festival de Newport en 1959. C'est pour lui que Komeda avait écrit une de ses plus belles compositions, Ballad For Bernt, qui ouvre le disque et qui fut également le thème mémorable du Couteau dans l'eau de Polanski. Le saxophoniste prête également son jeu agile à deux autres compositions de Komeda, Crazy Girl et Typish Jazz, ainsi qu'à une version de Stella by Starlight et à An Oscar For Treadwell de Charlie Parker, bizarrement rebaptisée ici An Oscar For a Devil et pourvue d'une interprétation particulièrement robuste. Le trio de Komeda est également augmenté du guitariste américain Jimmy Gourley, déjà installé en Europe depuis plusieurs années, sur une paire de standards. Parmi les pièces restantes, toutes interprétées en trio, retenons Moja Ballada, une autre belle ballade de Komeda, et le blues This or This. Unique pièce de 1964, Sophia's Tune, dédiée à l'épouse du pianiste, est interprétée par un quintette nous permettant d'entendre un jeune Tomasz Stanko (très influencé par Miles Davis), ainsi que Michal Urbaniak, ce dernier n'ayant pas encore troqué son saxophone ténor pour le violon, instrument auquel il est plus généralement associé. Parmi les nombreux CDs de Komeda disponibles, Crazy Girl offre peut-être le meilleur portrait de la première partie de la (courte) carrière du pianiste.


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