Sam Rivers: Contrasts
ECM 1-1162 (vinyle)
Dans un récent sondage mené sur le forum de JazzCorner, on demandait aux participants quel disque ECM actuellement indisponible ils souhaitaient le plus voir réédité sur CD. C'est cet album de 1979 qui est finalement arrivé bon premier. Publié à une époque où l'étiquette munichoise semblait porter un intérêt grandissant aux représentants de l'avant-garde américaine (l'Art Ensemble of Chicago, Old & New Dreams et ses membres Don Cherry et Dewey Redman, dont on vient de rééditer le très beau "The Struggle Continues"), "Contrasts" demeure (en attendant, on le souhaite, sa réédition prochaine) l'un des trésors cachés de son catalogue. Après d'infructueuses tentatives pour trouver une copie LP abordable sur le web, j'ai fini par en dénicher une récemment dans les bacs de disques vinyles d'un vénérable marchand montréalais (Cheap Thrills, pour ne pas le nommer).
Enregistré en décembre 1979, cet album venait clore de belle façon une décennie bien remplie pour Sam Rivers: une dizaine d'albums sous son nom, dont certains de ses plus mémorables comme "Hues" (Impulse!, 1971-73, partiellement réédité sur "Trio Live"), "Crystals" (Impulse!, 1974, en big band, réédité en 2002) et "Waves" (Tomato, 1978). Sans oublier les sessions historiques réalisées dans son Studio RivBea en 1976 et publiées sous le titre "Wildflowers", un véritable florilège des musiciens new-yorkais de cette époque. Et ses apparitions comme sideman, auprès de ses acolytes Dave Holland (le classique "Conference of the Birds", ECM, 1972) et Barry Altschul ("You Can't Name Your Own Tune", Muse, 1977, réédité par 32 Jazz).
Entouré de George Lewis au trombone, Dave Holland à la contrebasse et Thurman Barker à la batterie, Rivers laisse ici le piano de côté pour se concentrer sur ses saxos ténor et soprano et sa flûte. Les quatre musiciens ouvrent le disque sans ambages avec le bref "Circles", Lewis claironnant et véloce, Holland à l'archet, Rivers espiègle au soprano et Barker d'abord aux balais. "Zip" est un thème caractéristique de Rivers, exposé au ténor, avant un solo swinguant et zigzaguant à souhait. Holland, dont le son plein et boisé est superbement servi par l'enregistrement, offre au saxophoniste un soutien en béton, avec des lignes de basse résonnantes. "Solace" débute et se termine avec un Rivers très lyrique au soprano, dialoguant avec Barker au marimba. Holland, à l'archet, et Lewis, explorant le registre grave, donnent à la permière partie un caractère plutôt sinistre, mais Rivers et Lewis peuvent aussi s'épancher un peu lorsque Barker retourne à sa batterie. "Verve" commence avec un thème plutôt funky, avec Rivers à la flûte, suivi d'un solo très efficace de Holland. Ouvrant la seconde face, "Dazzle" porte bien son titre, avec son swing rapide et une improvisation à toute allure de Rivers au ténor. Le thème, une séquence de notes disjointes, est exposé par Lewis et Holland, avant une improvisation collective débridée et swinguante, et des solos pleins de virtuosité de la part du contrebassiste et du tromboniste. Barker retrouve son marimba pour "Images", qui rappelle un peu le début de "Solace": un soprano flottant, une contrebasse et un trombone plutôt sombres. Finalement, "Lines" est un autre thème typiquement riversien, avec le leader au soprano, Holland et Barker concoctant un autre swing désarticulé. Encore une fois, le contrebassiste livre un solo remarquable de précision et de rondeur. Cette musique, qui aura bientôt trente ans, n'a pas pris une ride. On ne peut qu'espérer qu'ECM ajoute ce titre à la liste de rééditions qui marqueront bientôt son quarantième anniversaire.
En fouillant un peu sur le web, j'ai découvert que Sam Rivers (qui aura 85 ans en septembre prochain), Dave Holland et Barry Altschul s'étaient réunis pour un concert en mai 2007. On peut voir des photos de l'évènement ici et lire deux témoignages, celui-ci, et celui de l'enthousiaste Rick Lopez ici. Il va sans dire que je serais bien curieux d'entendre un nouvel enregistrement de ce trio légendaire...
Pour sa part, George Lewis vient de faire paraître son très attendu livre sur l'Association for the Advancement of Creative Musicians (AACM), intitulé "A Power Stronger Than Itself", aux presses de l'Université de Chicago.
Pour ceux qui se demanderaient ce que devient Thurman Barker, on peut visiter son site web.
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