Dans sa vie professionnelle, Krzysztof Trzcinski, né en Pologne entre les deux guerres, était otorhinolaryngologiste. Mais c'est surtout sous le nom de Komeda qu'on se souviendra de lui, beaucoup comme compositeur de musiques de films (pour Polanski: Le Couteau dans l'eau, Cul-de-sac, Le Bal des vampires, Rosemary's Baby, mais aussi pour Wajda, Skolimowski et Henning Carlsen), et aussi certainement comme l'un des musiciens de jazz les plus importants d'Europe de l'Est. Avec Andrzej Trzaskowski et Jan Ptaszyn Wroblewski, il est parmi les premiers à jouer du jazz moderne en Pologne, à une époque où c'est une musique encore considérée comme suspecte par les autorités. Il participe au festival de jazz de Sopot en 1956 et 1957, évènements majeurs pour l'émergence du nouveau jazz en Europe de l'Est, puis aux différentes éditions du Jazz Jamboree de Varsovie. Crazy Girl compile des enregistrements de ce dernier festival de 1960, 1961 et 1964. S'étant produit au Golden Circle de Stockholm au printemps 1960, Komeda avait tissé des liens avec certains musiciens scandinaves, dont le jeune saxophoniste Bernt Rosengren, qui commençait également à se faire un nom depuis sa participation au Jazz Club 57 et au festival de Newport en 1959. C'est pour lui que Komeda avait écrit une de ses plus belles compositions, Ballad For Bernt, qui ouvre le disque et qui fut également le thème mémorable du Couteau dans l'eau de Polanski. Le saxophoniste prête également son jeu agile à deux autres compositions de Komeda, Crazy Girl et Typish Jazz, ainsi qu'à une version de Stella by Starlight et à An Oscar For Treadwell de Charlie Parker, bizarrement rebaptisée ici An Oscar For a Devil et pourvue d'une interprétation particulièrement robuste. Le trio de Komeda est également augmenté du guitariste américain Jimmy Gourley, déjà installé en Europe depuis plusieurs années, sur une paire de standards. Parmi les pièces restantes, toutes interprétées en trio, retenons Moja Ballada, une autre belle ballade de Komeda, et le blues This or This. Unique pièce de 1964, Sophia's Tune, dédiée à l'épouse du pianiste, est interprétée par un quintette nous permettant d'entendre un jeune Tomasz Stanko (très influencé par Miles Davis), ainsi que Michal Urbaniak, ce dernier n'ayant pas encore troqué son saxophone ténor pour le violon, instrument auquel il est plus généralement associé. Parmi les nombreux CDs de Komeda disponibles, Crazy Girl offre peut-être le meilleur portrait de la première partie de la (courte) carrière du pianiste.
mardi 28 juin 2016
Krzysztof Komeda: Crazy Girl (Power Bros, 1960-64).
Dans sa vie professionnelle, Krzysztof Trzcinski, né en Pologne entre les deux guerres, était otorhinolaryngologiste. Mais c'est surtout sous le nom de Komeda qu'on se souviendra de lui, beaucoup comme compositeur de musiques de films (pour Polanski: Le Couteau dans l'eau, Cul-de-sac, Le Bal des vampires, Rosemary's Baby, mais aussi pour Wajda, Skolimowski et Henning Carlsen), et aussi certainement comme l'un des musiciens de jazz les plus importants d'Europe de l'Est. Avec Andrzej Trzaskowski et Jan Ptaszyn Wroblewski, il est parmi les premiers à jouer du jazz moderne en Pologne, à une époque où c'est une musique encore considérée comme suspecte par les autorités. Il participe au festival de jazz de Sopot en 1956 et 1957, évènements majeurs pour l'émergence du nouveau jazz en Europe de l'Est, puis aux différentes éditions du Jazz Jamboree de Varsovie. Crazy Girl compile des enregistrements de ce dernier festival de 1960, 1961 et 1964. S'étant produit au Golden Circle de Stockholm au printemps 1960, Komeda avait tissé des liens avec certains musiciens scandinaves, dont le jeune saxophoniste Bernt Rosengren, qui commençait également à se faire un nom depuis sa participation au Jazz Club 57 et au festival de Newport en 1959. C'est pour lui que Komeda avait écrit une de ses plus belles compositions, Ballad For Bernt, qui ouvre le disque et qui fut également le thème mémorable du Couteau dans l'eau de Polanski. Le saxophoniste prête également son jeu agile à deux autres compositions de Komeda, Crazy Girl et Typish Jazz, ainsi qu'à une version de Stella by Starlight et à An Oscar For Treadwell de Charlie Parker, bizarrement rebaptisée ici An Oscar For a Devil et pourvue d'une interprétation particulièrement robuste. Le trio de Komeda est également augmenté du guitariste américain Jimmy Gourley, déjà installé en Europe depuis plusieurs années, sur une paire de standards. Parmi les pièces restantes, toutes interprétées en trio, retenons Moja Ballada, une autre belle ballade de Komeda, et le blues This or This. Unique pièce de 1964, Sophia's Tune, dédiée à l'épouse du pianiste, est interprétée par un quintette nous permettant d'entendre un jeune Tomasz Stanko (très influencé par Miles Davis), ainsi que Michal Urbaniak, ce dernier n'ayant pas encore troqué son saxophone ténor pour le violon, instrument auquel il est plus généralement associé. Parmi les nombreux CDs de Komeda disponibles, Crazy Girl offre peut-être le meilleur portrait de la première partie de la (courte) carrière du pianiste.
dimanche 19 juin 2016
Eubie Blake: Memories of You (Biograph, 1915-1973)
Biograph BCD 112 / DK 30146 (1990 et 2003).
1. Charleston Rag (Blake) 3:07
(New York, N.Y., août 1917) Ampico 54174E
2. Chevy Chase (Blake) 2:44
(Sept. 1915) Artempo 2227
3. Mirandy (Blake, Sissle, Europe) 2:43
(Belleville, N.J., août 1919) Rythmodik J-103843
4. Fizz Water (Blake) 1:48
(Orange, N.J., 1915) Perfection 86393
5. Crazy Blues (Bradford) 3:20
2. Chevy Chase (Blake) 2:44
(Sept. 1915) Artempo 2227
3. Mirandy (Blake, Sissle, Europe) 2:43
(Belleville, N.J., août 1919) Rythmodik J-103843
4. Fizz Water (Blake) 1:48
(Orange, N.J., 1915) Perfection 86393
5. Crazy Blues (Bradford) 3:20
(New York, N.Y., février 1921) Mel-O-Dee 4199
6. Memphis Blues (Handy) 3:04
(New York, N.Y., mai 1921) Mel-O-Dee 4371
7. Dangerous Blues (B. Brown) 3:57
(New York, N.Y., septembre 1921) Mel-O-Dee 4427
8. Arkansas Blues (Anton Lada) 3:24
(New York, N.Y., novembre 1921) Mel-O-Dee 4549
9. The Down Home Blues (Tom Delaney) 3:27
(New York, N.Y., décembre 1921) Mel-O-Dee S3001
10. The Good Fellow Blues (Blake) 3:18
(New York, N.Y., mars 1921) Mel-O-Dee S2959
11. Don't Tell Your Monkey Man (L. Johnson) 3:41
(New York, N.Y., mars 1921) Mel-O-Dee S2966
12. Boll Weevil Blues (C. Hess) 4:39
(New York, N.Y., mars 1921) Mel-O-Dee 4549
13. If You Don't Want Me Blues (Bradford) 3:44
(New York, N.Y., avril 1921) Mel-O-Dee S2980
14. I'm Just Wild About Harry (Blake & Sissle) 2:43
(Buffalo, N.Y., mai 1973) QRS Cel 127
15. Memories of You (Blake & Razaf) 4:15
(Buffalo, N.Y., mai 1973) QRS Cel 126
Tous les rouleaux furent joués par Eubie Blake, sauf le #4 (par Gertrude Baum) et le #2 (par Steve Wilson).
Produit par: Arnold S. Caplin
Ingénieur du son digital: Dr. Toby Mountain, Northeastern Digital Recording Inc.
Michael Montgomery a «pompé» les rouleaux et écrit les notes de pochette.
Direction artistique: Alan Caplin, In print
Tous les rouleaux furent joués par Eubie Blake, sauf le #4 (par Gertrude Baum) et le #2 (par Steve Wilson).
Produit par: Arnold S. Caplin
Ingénieur du son digital: Dr. Toby Mountain, Northeastern Digital Recording Inc.
Michael Montgomery a «pompé» les rouleaux et écrit les notes de pochette.
Direction artistique: Alan Caplin, In print
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Pendant toute sa carrière, James Hubert "Eubie" Blake a affirmé être né en 1883 mais depuis 2003 on sait qu'il aurait eu en fait 4 ans de moins; il importe par ailleurs assez peu qu'il fut né en 1887, il reste que grâce à une longévité tout de même exceptionnelle et un talent d'entertainer hors du commun, il fut un témoin important de l'époque du ragtime lors de sa renaissance inattendue dans les années 1960 et 1970. Sa mère, très religieuse, lui avait rapidement intimé: «pas de cette musique rag chez moi!»; le jeune Eubie choisit assez rapidement son camp et devint... pianiste dans une maison close! Il fait son chemin et passe bientôt à un hotel de luxe de son Baltimore natal, en plus de se produire l'été dans les clubs d'Atlantic City. Toujours à Baltimore, il fait la rencontre de Noble Sissle, un chanteur avec qui il collaborera désormais autant à la scène (les deux forment un duo populaire au music-hall) que pour écrire des airs dont Sissle fournira les paroles. Les deux se joindront aux différents groupes réunis sous la houlette du chef d'orchestre James Reese Europe, accompagnant les soirées mondaines de la haute-société de New York et de la Côte Est ou les démonstrations de danses sociales du couple Vernon et Irene Castle. Resté à l'arrière lors de la Première Guerre Mondiale alors que Europe et Sissle accompagnent le 369e régiment d'infanterie sur les champs de bataille du Vieux Continent, Blake retrouvera Sissle après les hostilités, et leur partenariat sera particulièrement fécond, accouchant bientôt du premier succès d'un spectacle entièrement conçu et interprété par des afro-américains sur Broadway, Shuffle Along, en 1921, dont sont tirés les succès I'm Just Wild About Harry et Love Will Find a Way, deux de leurs chansons les plus populaires. On peut prendre toute la mesure de la notoriété du duo à l'époque quand on sait que Sissle et Blake furent choisis par le pionnier Lee de Forest pour un des tous premiers essais de films sonores par le procédé Phonofilm, en 1923 (voir cette remarquable version restaurée).
Après la dissolution du duo avec Sissle (suite à des concerts en France et en Angleterre, en 1926), Blake demeurera surtout une figure respectée du théâtre musical dans les années 1930 et 1940, surtout comme auteur (parfois en partenariat avec Andy Razaf, comme pour la chanson Memories of You, écrite pour la revue Blackbirds of 1930, puis avec Henry Creamer ou Joshua Milton Reddie), parfois comme chef d'orchestre (il enregistre par exemple une quinzaine de pièces pour Crown ou Victor en 1931). Après une tentative infructueuse pour remonter Shuffle Along en 1933, Blake semble se faire plus discret; il perd sa première épouse en 1938, et retrouve Noble Sissle pour des tournées de l'USO pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Remarié en 1945, il prend officiellement sa retraite l'année suivante; il prend alors le temps d'étudier plus formellement la musique à la New York University, utilisant le système Schillinger (c'est de cette époque que datent deux de ses compositions les plus élaborées, Dicty's on Seventh Avenue et Rhapsody in Ragtime). Suite à la campagne victorieuse du président Truman, utilisant I'm Just Wild About Harry comme chanson-thème, Sissle et Blake reviennent de nouveau à Shuffle Along; mais ce sera la parution du livre They All Played Ragtime, par Rudi Blesh et Harriet Janis, en 1950, qui allait lentement relancer la carrière de Eubie Blake, déjà presque sexagénaire. Il se produit à l'occasion dans les années 1950 (il enregistre deux disques pour 20th Fox en 1958 et 1959), et de jeunes enthousiastes, dont Bob Darch et Max Morath, le reconnaissent vite comme un pionnier du ragtime. Progressivement, au cours des années 1960, une certaine curiosité se développe pour la musique des années 1900; à partir de la fin des années 1960 se dessine une renaissance du ragtime qui permettra à Blake de retrouver un public enthousiaste et captivé par la vitalité et la verve du vieux pianiste qui ne se fait pas prier pour interpréter des pièces remontant souvent à plusieurs décennies... La parution en 1969 sur Columbia de The Eighty-Six Years of Eubie Blake (produit par John Hammond), savoureux album double où le pianiste reprend ses rags les plus célèbres et retrouve Sissle pour quelques numéros en duo, est l'occasion de la redécouverte de ce pionnier; à l'âge où plusieurs se retrouvent habituellement à la retraite depuis plusieurs années, Eubie Blake va de concert en concert, du festival de ragtime de Sedalia, Missouri, jusqu'aux festivals de jazz d'Europe. Il apparaît souvent à la télévision, et on l'aperçoit même dans un film biographique sur Scott Joplin.
Une scène de Scott Joplin (1977), avec Billy Dee Williams et, dans le rôle de Will Williams, Eubie Blake.
Honoré de toutes parts (il reçoit la médaille présidentielle de la Liberté des mains du président Reagan en 1981, en plus de nombreux doctorats honorifiques), il est de plus célébré sur Broadway en 1978, avec la revue Eubie!, mettant en vedette Gregory Hines, qui reprend bon nombre de pièces de Shuffle Along en plus d'autres de ses compositions les plus connues. En 1979, à ce qui fut célébré comme son 96e anniversaire, il aurait déclaré: «si j'avais su que je vivrais aussi vieux, j'aurais pris soin de ma santé!»; la même année paraît une excellente biographie écrite par Al Rose. Eubie Blake est décédé le 12 février 1983, cinq jours après la célébration de son 100e anniversaire (qui aurait été en fait son véritable 96e...).
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Si j'ai voulu d'abord résumer la carrière de Eubie Blake, c'est pour souligner la spécificité de celle-ci à une époque où bien des portes étaient fermées aux afro-américains dans le monde du spectacle. Réussissant à se tailler une place dans les milieux de Broadway en inaugurant une image plus digne pour les afro-américains à la scène, Blake aurait déjà gagné une place au panthéon; mais avec sa deuxième (voire troisième) carrière comme doyen des pianistes de ragtime (les ticklers, ou chatouilleurs du clavier), il est revenu s'inscrire dans son vieil âge comme un interprète de premier plan - quitte à réécrire un peu l'histoire, mais quel personnage de cette époque ne l'a pas un peu fait? L'anthologie parue sur Biograph (une nouvelle collection, digitale, des rouleaux de piano de Blake déjà publiés en deux volumes sur vinyle dans les années 1970) nous ramène en arrière, à l'époque où Blake commençait à faire son nom et à dépasser sa réputation de tickler.
De la quarantaine de rouleaux qu'il réalisa entre 1917 et 1921, 13 se retrouvent sur ce CD; ses deux pièces les plus connues, I'm Just Wild About Harry et Memories of You, furent quant à elles «mises en rouleau» en 1973 pour la vénérable compagnie QRS. Si le Charleston Rag (également connu sous le titre Sounds of Africa) ne date probablement pas de 1899 (Blake aurait alors eu 12 ans...), c'est certainement une pièce importante par l'introduction de la walking bass (caractéristique du jeu de Blake, elle a aussi été nommée wobbly bass, littéralement, basse bancale). Chevy Chase et Fizz Water (deux rouleaux de 1915 dont la réalisation n'est pas l'oeuvre de Blake) sont deux autres de ses rags classiques, mais sous une forme héritée de Joplin on peut déjà sentir (surtout sur Chevy Chase) malgré la reproduction inévitablement quelque peu mécanique, une plus grande fluidité, une forme de transition vers le piano stride qui allait bientôt percer à New York et sur la Côte Est américaine sous les doigts des James P. Johnson, Willie "The Lion" Smith et Fats Waller. L'arrivée de la vogue du blues du début des années 1920 trouve un écho dans les rouleaux de 1921, avec une reprise de la pièce de Perry Bradford rendue célèbre par Mamie Smith quelques mois auparavant, Crazy Blues. Si Blake n'avait ni une expérience de première main auprès des musiciens vernaculaires du Sud des États-Unis (comme W.C. Handy, compositeur du fameux Memphis Blues repris ici), ni l'expérience d'un James P. Johnson ou d'un Fletcher Henderson comme accompagnateur de chanteuses de blues, et bien que la forme même du blues ne soit véritablement représentée par aucune de ces pièces, il semble que Blake ait toutefois su acquérir le feeling nécessaire, pas moins de 8 des 15 pièces de cette anthologie portant Blues dans leur titre; le plus proche d'un blues classique étant probablement le Arkansas Blues écrit par le batteur du Louisiana Five, Anton Lada. Les deux chansons, Wild About Harry et Memories of You, bénéficient d'interprétations particulièrement subtiles pour des rouleaux de piano, qu'on attribuera sans doute à la technique plus récente de leur réalisation. Ces 15 pièces seront donc une introduction idéale au monde de James Hubert "Eubie" Blake, dont la carrière s'est tout de même étendue sur plus de huit décennies!
De la quarantaine de rouleaux qu'il réalisa entre 1917 et 1921, 13 se retrouvent sur ce CD; ses deux pièces les plus connues, I'm Just Wild About Harry et Memories of You, furent quant à elles «mises en rouleau» en 1973 pour la vénérable compagnie QRS. Si le Charleston Rag (également connu sous le titre Sounds of Africa) ne date probablement pas de 1899 (Blake aurait alors eu 12 ans...), c'est certainement une pièce importante par l'introduction de la walking bass (caractéristique du jeu de Blake, elle a aussi été nommée wobbly bass, littéralement, basse bancale). Chevy Chase et Fizz Water (deux rouleaux de 1915 dont la réalisation n'est pas l'oeuvre de Blake) sont deux autres de ses rags classiques, mais sous une forme héritée de Joplin on peut déjà sentir (surtout sur Chevy Chase) malgré la reproduction inévitablement quelque peu mécanique, une plus grande fluidité, une forme de transition vers le piano stride qui allait bientôt percer à New York et sur la Côte Est américaine sous les doigts des James P. Johnson, Willie "The Lion" Smith et Fats Waller. L'arrivée de la vogue du blues du début des années 1920 trouve un écho dans les rouleaux de 1921, avec une reprise de la pièce de Perry Bradford rendue célèbre par Mamie Smith quelques mois auparavant, Crazy Blues. Si Blake n'avait ni une expérience de première main auprès des musiciens vernaculaires du Sud des États-Unis (comme W.C. Handy, compositeur du fameux Memphis Blues repris ici), ni l'expérience d'un James P. Johnson ou d'un Fletcher Henderson comme accompagnateur de chanteuses de blues, et bien que la forme même du blues ne soit véritablement représentée par aucune de ces pièces, il semble que Blake ait toutefois su acquérir le feeling nécessaire, pas moins de 8 des 15 pièces de cette anthologie portant Blues dans leur titre; le plus proche d'un blues classique étant probablement le Arkansas Blues écrit par le batteur du Louisiana Five, Anton Lada. Les deux chansons, Wild About Harry et Memories of You, bénéficient d'interprétations particulièrement subtiles pour des rouleaux de piano, qu'on attribuera sans doute à la technique plus récente de leur réalisation. Ces 15 pièces seront donc une introduction idéale au monde de James Hubert "Eubie" Blake, dont la carrière s'est tout de même étendue sur plus de huit décennies!
Charleston Rag, tel que mis en rouleau par Eubie Blake en 1917.
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On recommandera aussi l'excellent album double The Eighty-Six Years of Eubie Blake (Columbia, enregistré en 1968-1969); un enregistrement primitif de son Jazzone Orchestra se trouve sur Ragtime to Jazz 1, 1912-1919 (Timeless); un enregistrement de Sounds of Africa (The Charleston Rag) de 1921 se retrouve sur Ragtime to Jazz 2, 1916-1922 (Timeless), on le comparera à la version ci-dessus; une recréation de Shuffle Along utilisant des enregistrements d'époque est parue sur New World Records en 1976; trois de la quinzaine de pièces gravées par son orchestre en 1931 sont sur l'anthologie "Thumpin' & Bumpin'", New York Volume 2 (Frog), l'intégrale est partagée entre deux vinyles parus sur étiquette Harrison; une réunion avec les vétérans Joe Jordan et Charles Thompson intitulée Reunion in Ragtime est parue vers 1962 sur l'obscur label Stereoditties; on pourra rechercher par ailleurs les disques parus sur l'étiquette Eubie Blake Music à partir de 1971, notamment deux volumes baptisés Sissle & Blake, Early Rare Recordings Vol. 1 & 2. Sa biographie par Al Rose, parue chez Schirmer Books en 1979, est hautement divertissante!
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